La clôture frontalière, nouvelle pomme de discorde entre le Maroc et l’Algérie.
Le Maroc a entrepris de construire une clôture tout au long de sa frontière avec l’Algérie pour se "protéger des terroristes". Une perspective qui risque de tendre des relations déjà difficiles entre les deux poids-lourds du Maghreb.
L'avenir des relations tendues depuis des années entre les deux poids-lourds du Maghreb que sont le Maroc et l’Algérie s'assombrit encore un peu plus. En cause : la confirmation par Rabat de la construction d’une clôture sur la frontière entre les deux pays. "Le Maroc construit une clôture dotée de capteurs électroniques pour se protéger des menaces terroristes", a déclaré, le 15 juillet devant le Parlement, le ministre de l’Intérieur du royaume, Mohamed Hassad.
Selon le ministère de l’Intérieur, le pays entend précisément se prémunir, grâce à cette clôture, "de toute infiltration de membres de groupes extrémistes à l'intérieur du territoire marocain". Pour les médias algériens, cette démarche revient à accuser directement Alger d'exporter le terrorisme.
Selon les informations glanées par le professeur Zahreddine Taybi, par ailleurs directeur de l'hebdomadaire "Al Hadath Acharki", interrogé par FRANCE 24, la clôture en question est composée de deux parties, à savoir une base en ciment d’une hauteur de 50 centimètres, et d’une partie grillagée de deux mètres et demi. "Elle est censée s’étendre depuis Saïdia, à l’extrême nord-est, en passant par Oujda, jusqu’à Jerada au Sud-Est, soit sur une distance de 140 km le long de la frontière avec l'Algérie voisine", explique-t-il.
"Escalade diplomatique" et "message codé"
Zahreddine Taybi rappelle que la démarche de Rabat intervient près d'un an après le début du creusement de tranchées par l'Algérie, à sa frontière avec le Maroc, censé empêcher la contrebande. "Il semble donc que cette affaire relève plus de la politique que de la sécurité, malgré les justifications présentées par Rabat, estime-t-il. D’autant plus qu’elle s'inscrit dans le contexte d’une escalade diplomatique orchestrée par des hauts fonctionnaires des deux pays qui se sont récemment échangés des déclarations et des accusations tapageuses".
"Imaginons, poursuit Taybi, que la menace terroriste évoquée par les autorités marocaines soit réelle et qu’elle justifie une telle construction, il reste que cette clôture est insuffisante pour empêcher les infiltrations de groupes extrémistes qui trouveront toujours un moyen de le faire puisque qu’elle ne couvrira pas la totalité des 550 km de frontière qui séparent les deux pays". Par conséquent, avance le directeur d'"Al Hadath Acharki", l'approche sécuritaire reste insuffisante pour expliquer l’érection de la clôture, ce qui confirme "qu’il existe bien un message codé destiné au voisin algérien, qui est plutôt d’ordre politique et diplomatique."
Zahreddine Taybi confie que "cette question a soulevé de nombreuses critiques parmi les observateurs des deux côtés de la frontière, car elle fait monter d’un cran la tension entre les deux pays et empêche tout rapprochement, alors que la frontière terrestre est fermée depuis 1994". Cette clôture pourrait également entraver les liens qu’entretiennent des familles d'origine marocaine et algérienne vivant de part et d’autre de la frontière.
"Une décision injustifiable"
Commentant la démarche du Maroc, Hadda Hazem, directrice générale du quotidien algérien "El-Fajr", a confié de son côté à FRANCE 24 qu’elle n’était pas convaincue par les arguments injustifiables avancés par le royaume chérifien pour ériger sa clôture. "Le Maroc, n’avait pas recouru à une telle mesure lorsque l’Algérie était déchirée par une grave crise sécuritaire dans les années 90, se contentant de fermer ses frontières et d’imposer des visas aux Algériens, tout en accueillant des groupes terroristes, venus se reposer sur son sol après avoir massacré des Algériens", tonne-t-elle.
Et de rappeler que trafic de drogue "prend le chemin inverse, c’est dire du Maroc vers l'Algérie, et passe également par les voies maritimes et aériennes".
Pour la journaliste, la décision de Rabat "porte un coup sévère aux voix algériennes et marocaines, y compris celle du roi Mohamed VI en personne, qui réclament la réouverture de la frontière pour des raisons humanitaires et économiques, afin de profiter des capacités d'investissements de l’Algérie et de l'expertise et des compétences des Marocains".
A contrario, regrette-t-elle, cette situation fige les marchés de consommation des deux pays, à l’heure où ailleurs, des blocs économiques se forment et se renforcent dans la région. Et de conclure : "Dire qu’on se plaint et qu’on pleure à cause du mur de l'apartheid construit en Palestine..."
(Par Boualem RHOUBACHI, France24)
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